MAJALAT :
Le Forum de la société civile de Bruxelles
7 – 9 juillet 2021, en ligne
Note conceptuelle : la jeunesse
- Contexte
La jeunesse est une problématique transversale dans le travail de MAJALAT et qui présente un double défi : intégrer la dimension jeunesse dans l’ensemble des politiques de l’UE ; mais également identifier et promouvoir les priorités et les recommandations concernant spécifiquement la jeunesse et qui doivent être traitées aux niveaux régional et national. Ceci explique pour quelles raisons les représentants de la jeunesse, au lieu de discuter de questions concernant spécifiquement leur génération, assisteront aux discussions en sous-groupe sur l’une des cinq autres thématiques durant le Forum de la société civile 2021 organisé par Majalat début juillet.
L’importance du thème de la jeunesse tient à sa dimension transversale, qui touche des domaines multiples : la santé, l’éducation, l’emploi, l’économie, la politique, la digitalisation, l’environnement, le genre, la migration, la sécurité, entre autres. Le thème revêt également une grande importance tant pour les gouvernements que les OSC en raison du fait que le développement démographique est en train d’évoluer vers un afflux continu de jeunes, nourrissant l’explosion démographique de la jeunesse pour les années à venir. Ce groupe démographique représente un capital humain inestimable pour le progrès d’un pays. Mais pour devenir une force productive polyvalente, la jeunesse a besoin d’une société inclusive proposant une éducation et des systèmes de développement des compétences de qualité, des services de santé robustes, des institutions politiques démocratiques, des modèles économiques profitables et des infrastructures respectueuses de l’environnement.
L’année 2021 a été marquée par deux événements majeurs dont les conséquences auront des effets durables sur la jeunesse et les acteurs de la société civile dans le voisinage sud, au cours des années à venir. D’une part, nous avons assisté au développement des vaccins contre le COVID-19, ce qui a restauré l’espoir des jeunes après plus d’une année d’épreuves qui a exacerbé les défis auxquels la jeunesse a toujours historiquement dû faire face. D’autre part, le “nouvel agenda pour la Méditerranée”, qui constitue le renouvellement du partenariat de l’UE avec le voisinage sud pour la période 2021-2027. Cette note conceptuelle est le fruit de multiples discussions organisées par MAJALAT sur la jeunesse.
En 2020 ont eu lieu un atelier sur la jeunesse et le séminaire politique sud, animés par un expert indépendant de la jeunesse, actif dans la société civile du voisinage sud. Sur cette base, MAJALAT a lancé une étude régionale dans le but d’explorer les dynamiques de la jeunesse et des organisations de jeunes dans le voisinage sud. Celle-ci cherche à cartographier l’état actuel de la situation et les défis auxquels sont confrontées la jeunesse et les OSC de jeunes dans la région, tenant compte des deux éléments de contexte mentionnés ci-dessus : la pandémie et le renouvellement du partenariat de l’UE.
Par ailleurs, la recherche visait à actualiser les recommandations précédemment formulées par MAJALAT en proposant un plan d’action réaliste pour concevoir et mettre en œuvre un espace pour le dialogue des jeunes et des acteurs intervenants auprès de la jeunesse avec les institutions nationales et européennes. Enfin, afin d’étendre le périmètre de MAJALAT et de mobiliser les autorités nationales, une table ronde sur la jeunesse est programmée à Beirut en juin. Celle-ci a pour objectif de diffuser les résultats, les priorités et les recommandations issus de la recherche auprès de la jeunesse et des OSC de jeunes libanaises ainsi que des représentants des délégations de l’UE au Liban.
Les discussions auxquelles donnera lieu cet échange permettront d’alimenter les programmes indicatifs pluriannuels régionaux et thématiques de la période 2021 – 2027, récemment lancés par l’UE. Il s’agira de programmer des activités sur la base des priorités identifiées pour chaque pays du voisinage sud.
- Les priorités dans le cadre de MAJALAT consacré à la jeunesse et les recommandations pour les développements futurs
Au cours du processus MAJALAT, la jeunesse a principalement discuté des cinq problématiques suivantes : 1) l’inclusion et la participation de la jeunesse dans les cadres politiques de l’UE ; 2) la mobilité ; 3) la santé sexuelle et reproductive ; 4) l’emploi et la digitalisation ; 5) la lutte contre toute forme de violence. Une série de recommandations a ainsi été formulée autour de ces questions. Par ailleurs, les priorités pour les développements futurs ont été choisies sur les bases suivantes :
- Le succès du dialogue entre l’UE et les OSC repose sur le fait que l’ensemble des parties prenantes et publics cibles soient pleinement associés au processus de décision (en l’occurrence, ici, la jeunesse) ; et que ceux-ci continuent de tenir leur rôle de garde-fous sur les questions importantes ;
- Le besoin d’une plus grande mobilisation transnationale et d’une meilleure organisation au sein des groupes de militants et des OSC de jeunes dans le voisinage sud ;
- Un prérequis est nécessaire aux deux éléments précédents : le développement des capacités des jeunes en matière de plaidoyer et de collecte de fonds.
Recommandation 1 : créer un canal de coopération permanent entre les multiples parties prenantes du dialogue structuré bilatéral entre l’UE et la jeunesse de la région euro-méditerranéenne, avec un agenda à long terme. Les OSC de jeunes mobilisées dans le processus MAJALAT pourraient constituer le noyau dur de ce dispositif.
Recommandation 2 : élargir les cadres politiques de l’UE et faciliter les mécanismes de financement pour les OSC de jeunes, ce qui implique d’:
- Adapter et simplifier les procédures de candidature aux montants des subventions. Les petites subventions devraient déclencher des procédures relativement simples. Si la simplification n’était pas une option possible, l’UE devrait offrir davantage de formations sur les savoir-faire en matière de demandes de financements européens. Pour mettre en œuvre ces actions opérationnelles, différentes solutions techniques ont été proposées, dont notamment la création de formulaires ergonomiques pour les rapports, le développement d’une application de reporting destinée aux OSC et aux membres de collectifs, la création de plateformes virtuelles d’échanges de bonnes pratiques sur la manière de candidater à des financements européens.
- Introduire un mécanisme qui faciliterait l’accès aux financements européens aux organisations non déclarées ou informelles selon deux modalités : (a) acheminer les subventions européennes par l’intermédiaire d’autres acteurs vers les organisations non déclarées ou informelles ; ou (b) modérer les exigences bureaucratiques et le travail administratif demandé pour l’admissibilité des demandes de subventions. Inclure les organisations non déclarées dans le public cible des financements européens permettrait en effet de mettre en œuvre les principes d’”inclusion” et d’ ”égalité des chances” prônés par l’UE et d’offrir un meilleur accès aux financements à divers acteurs de la société civile du secteur de la jeunesse.
- Principales conclusions de la recherche sur la jeunesse
Cette recherche, à laquelle ont participé 506 OSC de jeunes issues de 7 pays du voisinage sud en répondant à l’enquête et 13 organisations avec lesquelles a été conduit un entretien approfondi, a donné plusieurs résultats significatifs qui peuvent être synthétisés dans les 4 catégories ci-dessous. Tout d’abord, le secteur de l’éducation, de la formation et du développement des compétences semble être celui qui occupe l’essentiel du champ d’actions des OSC qui ont participé à l’étude : 72.2% (soit 352 personnes). Cet indicateur révèle l’importance de ce secteur pour la jeunesse de la région. Ceci concorde également avec un chiffre alarmant mis en évidence par le rapport de la banque mondiale de 2020, indiquant que “la jeunesse de la région sud de la Méditerranée est le seul groupe dans le monde qui fait face à un risque de chômage croissant alors que son niveau d’éducation augmente », (BM 2020). Bien que le niveau de dépense médian de la région en matière d’éducation soit largement supérieur à la moyenne des pays de l’OCDE, le facteur de développement du capital humain reste un défi majeur, les deux tiers (soit environ 110 millions) de la population de la région MENA ayant moins de 35 ans et le chômage des jeunes se situant au-delà de 25%, dont 40% sont des femmes (à comparer au taux mondial de 14%, BM, 2020). C’est pourquoi les futurs coopérations et programmes internationaux lancés conjointement par l’UE et les OSC du voisinage sud doivent consacrer davantage de ressources et d’attention à ce secteur et à ces organisations.
La deuxième conclusion porte sur les défis qui continuent d’empêcher le travail des OSC de jeunes dans le voisinage sud, tels que : 1) le manque de ressources pédagogiques et financières ; 2) le cadre légal contraignant qui régit le travail des associations ; 3) l’accès difficile aux financements européens et étrangers qui sont alloués aux grandes associations établies de longue date. Le troisième indicateur est révélateur de l’agilité et de la réactivité des OSC de jeunes dans le voisinage sud. Malgré les difficultés, ces organisations sont en effet flexibles, résilientes et promptes à s’adapter aux situations inattendues tel qu’on a pu l’observer lors de la pandémie de COVID-19 qui est venue avec son lot de mesures restrictives imposées par les autorités locales. Enfin, la quatrième conclusion a révélé que ces organisations accueillent favorablement le nouvel agenda de l’UE pour la Méditerranée (2021 – 2027) et placent de grands espoirs dans ses objectifs, ses actions et effets attendus, en particulier concernant le futur de la jeunesse dans la région. Bien que l’ensemble des participants à l’étude aient indiqué être informés du renouvellement de l’agenda, de manière surprenante, la majorité d’entre eux n’avait pas connaissance de son contenu, de ses objectifs ou des actions proposées. Une vaste promotion régionale ainsi que des campagnes médiatiques sur l’agenda seraient donc utiles dans la région, relayées par les délégations régionales et les représentants des bureaux nationaux de l’UE.
Les conclusions de la recherche ont été traduites en des recommandations concrètes et en un plan d’action opérationnel, proposant la conception et la mise en œuvre d’un espace de dialogue dédié à la jeunesse, qui constituerait un dispositif régional pour les OSC de jeunes et les représentants de la jeunesse auprès des institutions nationales et européennes, assorti de buts et d’objectifs spécifiques revus périodiquement, d’un calendrier de mise en œuvre clair et dont les parties prenantes seraient identifiées. Dans ce cadre, les jeunes pourraient contribuer activement à forger les sujets prioritaires en veillant à ce que l’impact sur la jeunesse de la région soit direct.